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La pilule rouge
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26 juillet 2019

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est économiste. Membre des Économistes atterrés, docteur en économie à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, il est professeur associé à la Paris School of Business. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages notamment Introduction inquiète à la Macron-économie (Les petits matins) et de publications dans des revues académiques internationales.

 

Traité d'économie hérétique

Titre : Traité d’économie hérétique, en finir avec le discours dominant

Auteur : Thomas Porcher

Genre : Politique économique

Date : 2019

Pages : 230

Éditeur : Librairie Arthème Fayard

Collection : Pluriel

ISBN : 978-2-818-50581-6

 

« La France n’a pas fait de réforme depuis plus de trente ans », « Notre modèle social est inefficace », « Le Code du travail empêche les entreprises d’embaucher », « Une autre politique économique, c’est finir comme le Venezuela », telles sont les affirmations ressassées en boucle depuis trois décennies par une petite élite bien à l’abri de ce qu’elle prétend nécessaire d’infliger au reste de la population.

Quand ces idées ne semblent plus avoir faire l’objet du moindre débat, ce livre cherche justement à tordre le cou aux prétendues « vérités économiques ».

Savez-vous qu’il y a eu plus de 165 réformes relatives au marché du travail depuis 2000 en France? Que nous avons déjà connu une dette publique représentant 200% du PIB? Que plus de la moitié de la dépense publique profite au secteur privé?

Dans ce Traité d’économie hérétique, Thomas Porcher nous offre une contre-argumentation précieuse pour ne plus accepter comme une fatalité ce que nous propose le discours dominant.

Membre des Économistes atterrés, Thomas Porcher est docteur en économie à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et professeur associé à la Paris School of Business.

 

Extraits :

« La France est le pays où l’on travaille le moins au monde », « La dette publique est un danger pour les générations futures », « Notre modèle social n’est pas adapté à la mondialisation », « Le Code du travail empêche les entreprises d’embaucher », « Le libre-échange profite à tous », « Mener une autre politique économique, c’est finir comme le Venezuela ou la Corée du Nord » : telles sont les affirmations ressassées en boucle depuis plus de trente ans par une petite élite politique, médiatique et intellectuelle, bien à l’abri de ce qu’elle prétend nécessaire d’infliger au reste de la population pour sauver la France. Ces idées ont tellement pénétré les esprits qu’elles ne semblent plus pouvoir faire l’objet du moindre débat. Pire encore, nous nous empressons de créer les conditions de leur mise en œuvre, en votant pour ceux qui entendent nous priver de ce qui devrait être normal dans la sixième puissance mondiale : Travailler dignement, se loger, se soigner, manger convenablement, pouvoir partir en vacances, vivre dans un environnement sain et, enfin, toucher une pension de retraite décente.

Or, aujourd’hui, les droits des salariés sont perçus comme un carcan empêchant les entreprises d’embaucher, les services publics sont asséchés financièrement au nom du remboursement de la dette publique, les normes sanitaires et environnementales sont rédigées pour les grands groupes qui s’arrangent ensuite pour les contourner, l’idée d’une retraite décente à un âge convenable est considérée comme un luxe réservé à une grange réduite de la population. Rien ne semble arrêter cette spirale destructrice tant nous sommes persuadés qu’aucune alternative n’est crédible. C’est l’objet de ce livre : regagner la bataille des idées, refuser ce prêt-à-penser libéral qu’on nous vend comme du simple bon sens, se libérer de la servitude volontaire.

Car tout cela est possible parce que nous refusons de sortir du cadre de réflexion autorisé. Plus personne n’ose réclamer une hausse significative du SMIC, une semaine de vacances supplémentaire, une réduction du temps de travail hebdomadaire, une revalorisation des pensions de retraite, plus de crèches, d’hôpitaux et de services publics. Toutes ces propositions amélioreraient notre qualité de vie, mais voilà, elles se heurtent à ce que nos élites prétendent être les limites du possible. Nous devinons les arguments qui nous seront opposés : « Dans un contexte de mondialisation, il est inconcevable d’augmenter le salaire minimum, sinon les entreprises vont toutes partir » ou « Compte tenu du niveau de la dette publique, il est impossible d’investir dans un service public de qualité ». Notre réflexion est contrainte par le cadre du raisonnable ; vouloir en sortir, c’est devenir utopiste. Mais fixer un cadre de réflexion en dehors duquel il est impossible de débattre n’est-il pas la meilleure façon de dominer les esprits? Qui trouve intérêt à imposer ces limites? Comment est-il possible que, dans le passé, nous nous soyons sentis légitimes de réclamer une quatrième semaine de congés payés, puis une cinquième alors qu’une sixième semble aujourd’hui inenvisageable?

Ce cadre qui limite volontairement la portée du débat est le fruit d’un mélange entre rapports de force et ensemble de croyances économiques à un moment donné. Il est important de préciser « à un moment donné », car l’histoire montre que l’économie n’a pas toujours fonctionné avec les mêmes préceptes. Aucun cadre n’est indépassable et ce qui apparaît aujourd’hui comme une évidence peut en moins d’une décennie sembler obsolète. Tout ce que les libéraux estiment impossible aujourd’hui, comme le rôle de l’État en tant que stratège, l’investissement public ou l’encadrement des marchés financiers, est exactement ce qui a été appliqué entre 1950 et 1980, et tout ce qui a été mis en œuvre à cette période était l’exact opposé de ce qui avait été fait entre 1900 et 1930 – période où les idées libérales dominaient les pratiques économiques. Donc ce qui a été valable pendant trente ans entre 1950 et 1980 ne l’est plus depuis plus de trente ans. L’économie n’est pas figée, c’est une succession de modes de régulation définis par des rapports de force à un moment précis. Rien n’est inéluctable. Bien entendu, ceux qui ont intérêt à ce que le cadre de réflexion ne change pas, qu’il soit impossible d’envisager autre chose, sont ceux qui en profitent. D’où la nécessité de constamment vouloir faire bouger les lignes et de refuser ce qu’on nous présente comme des « vérités économiques ».

Pour se libérer de ce cadre de pensée, il est important de comprendre que l’économie n’est pas une science neutre avec des résultats indiscutables. Il faut donc se méfier des prétendus consensus et autres vérités scientifiques mises en avant par quelques économistes. L’histoire montre que certains consensus ont été catastrophiques pour une majorité d’individus (parfois pour plusieurs milliards d’humains). Pour le prouver, il suffit de rappeler le consensus quasi unanime sur l’efficacité et l’autorégulation des marchés financiers qui a fini par provoquer la crise de 2007, prenant de court la majorité des économistes de grandes institutions et universités. Le consensus est rare en économie mais lorsqu’il y en a un, rien n’assure qu’il soit juste, d’où l’importance de toujours continuer à en débattre.

La vraie force des économistes libéraux est d’avoir réussi à convaincre l’opinion qu’ils ne faisaient pas d’idéologie, ce qui est complétement faux. L’économie est un rapport de force par des moyens détournés et, par conséquent, avant de juger de la pertinence d’une réforme, posez-vous une question simple – que le MEDEF se pose constamment : à qui cela profite? Car toute réforme, toute révision de texte, modifie la contribution des efforts et la répartition des richesses. Au bout du bout, quoi qu’on vous dise, quelqu’un en profite toujours plus que les autres. La création de richesse et sa répartition constituent la base de l’économie qui n’est, en réalité, qu’un moyen pour justifier que certains aient droit à une plus grosse part du gâteau (collectivement crée) que les autres.

Dès lors, quand vous saurez que la réussite n’est jamais individuelle, que « vouloir, c’est pouvoir est avant tout la subtile devise des dominants, vous comprendrez mieux que derrière l’idolâtrie de « ceux qui réussissent » se niche souvent une volonté de faire accepter par tous une baisse d’impôts pour les plus riches.

Quand vous saurez que les causes du chômage ne sont pas à aller chercher dans un comportement inapproprié des demandeurs d’emploi, mais dans les politiques macroéconomiques inadaptées et établies par ceux qui sont au pouvoir, vous n’accepterez plus qu’on rende les chômeurs responsables de leur statut et vous demanderez des comptes à ceux qui nous gouvernent.

Quand vous saurez qu’on recense pas moins de cent soixante-cinq réformes dans des domaines relatifs au marché du travail, entre 2000 et 2013, vous comprendrez qu’un homme politique affirmant qu’on n’a rien changé depuis plus de trente ans vous prend pour un imbécile et vous n’accepterez plus qu’on vous dise que la flexibilité de travail est la solution au chômage. Quand vous saurez que l’État social a plus rapporté qu’il n’a coûté, qu’il permet de réduire les  inégalités, que nos pensions de retraite sont parmi les plus élevées d’Europe, que notre système public de santé est moins cher et plus égalitaire que celui, essentiellement privé, des États-Unis, vous comprendrez que ceux qui veulent réduire la dépense publique ou la sphère de l’État social se soucient plus d’offrir des pans entiers de la sphère publique au secteur privé que de la condition humaine.

Quand vous saurez que nous avons déjà connu une dette représentant 200% du PIB, que les taux d’intérêts ont déjà été plus élevés qu’aujourd’hui – et qu’à l’époque cela ne dérangeait pas les économistes libéraux puisque leur politique en était responsable -, que la dette du secteur privé, responsable de la crise de 2007, est supérieure à celle du secteur public, vous comprendrez que la dette publique est un épouvantail qui sert, avant tout, à justifier des politiques d’austérité.

Quand vous saurez que les politiques mises en place pour lutter contre le réchauffement climatique sont volontairement insuffisantes afin de protéger des intérêts financiers, que l’accord de la COP21, célébré par tous, ne compte qu’une quarantaine de pages tant les négociateurs se sont soigneusement empressés d’en retirer les principales causes du dérèglement climatique (à titre de comparaison, l’accord de libre-échange Europe-Corée du Sud fait 1800 pages, preuve que le commerce importe plus que le climat), vous comprendrez que la priorité de nos gouvernants n’est pas de relever le défi climatique, ni d’inciter les grands groupes à engager leur transition énergétique, mais bien de protéger les modes de production mis en place et les profits des multinationales, quitte à faire courir le plus grand risque jamais connu au reste de la planète.

Quand vous saurez que la construction européenne a été menée pour mettre en concurrence les États, que ces dernières années, les choix politiques des technocrates de la Commission ont transformé une crise venant des États-Unis en une crise de la zone euro, que nous avons volontairement sacrifié la moitié de l’Europe, vous comprendrez qu’aimer l’Europe, ce n’est pas aimer la Commission européenne, et inversement.

Enfin, quand vous saurez que les pays riches, en premier lieu les États-Unis, avant de promouvoir le libre-échange, se sont développés à l’abri du protectionnisme, que derrière le terme « libre-échange » se cachent en réalité les seuls intérêts des multinationales, que le FMI sert de manière à peine voilée ces intérêts, vous comprendrez que la mondialisation n’est pas l’ami des pays pauvres et que, tant que ces politiques seront mises en place, la majorité des habitants de la planète sera contrainte de vivre dans le dénuement encore longtemps.

En démontrant les idées reçues, en apportant des éléments factuels, ce livre a pour but de proposer au citoyen néophyte, étudiant, engagé en politique ou militant (et parfois tout cela < la fois) une autre histoire de l’économie que celle qu’on veut bien lui servir. Le but de ce texte est de fournir une grille de lecture différente des politiques libérales engagées depuis plus de trois décennies – et prônées par Emmanuel Macron – et d’offrir un contre-argumentaire. Il appartiendra ensuite au citoyen de s’emparer de ces arguments, de questionner, de vouloir débattre et de ne plus jamais accepter comme une fatalité ce qu’on lui propose.

Thomas Porcher, Traité d’économie hérétique, pages 13 à 21

 

 

 

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